Description
Depuis les années 1990, parallèlement au développement d'Internet, Michael Roy se confronte en tant que « créateur » au rôle complexe de l'artiste dans un environnement saturé d'images, questionnant son rôle de producteur et la frontière objet/sujet liée à la représentation et au discours. Face à l'idée de générer de nouveaux langages, il crée des stratégies qui cherchent à les épuiser.
Si toute technique implique un apprentissage, celui-ci n'est pas nécessairement conscient et les éducations les plus enracinées sont celles que l'on reçoit sans s'en rendre compte. Depuis l'apparition des systèmes de reproduction mécanique des images, on nous a appris non seulement à les produire, mais aussi à les consommer. En supposant que nous les comprenions, nous sommes devenus analphabètes fonctionnels. Nous consommons les images sans esprit critique et les produisons de la même manière.
Dans All Rights Reserved, Roy présente un corpus de travaux réalisés au cours des trois dernières années, des oeuvres « sans titre » dans lesquelles un indice permet d’en débuter l'analyse. Des dates (1977, 1981, 1986 …), en lien avec le vécu de l'auteur, mais qui mettent l'accent sur les processus d'éducation visuelle de ces périodes. Les images, que l'on trouve dans les manuels de photographie publiés au cours de ces années, sont celles qui sont proposées comme modèles. Des dispositifs formels apparemment neutres tels que les portraits, les photos de groupe, les nus ou les natures mortes proposent non seulement une manière de construire l'image, mais aussi de préserver un statu quo spécifique : beautés scandinaves, nus féminins, familles « traditionnelles »... les manières de photographier, et donc de voir le monde, perpétuent des valeurs hégémoniques, transformant l'éducation visuelle en un outil de contrôle social.
Mais l'exposition n'est pas seulement une exploration des modes de transmission du pouvoir dans lesquels la représentation de toute « dissidence » est exclue. Les images n'ont pas seulement construit notre imaginaire et notre expérience, elles sont devenues une partie de nous-mêmes. Notre mémoire esthétique résulte d’imbrications, rendant difficile la distinction entre le souvenir et l'expérience, ordonnant nos émotions et la manière dont nous les exprimons, générant nos propres désirs. La comparaison de nos albums personnels avec d'autres archives photographiques révèlera des parallèles, mais aussi des échos dans un déjà-vu constant, comme un bruit blanc de la perception visuelle.
Chez Michael Roy, tout mène au récit, non seulement par son approche du roman ou parce que le texte littéraire est l'une de ses principales sources d'inspiration, mais parce que ce dispositif de connaissance fonctionne de la même manière que l'image.
Dans l'exposition, les limites des images, leurs frontières, ne sont brisées que lorsqu'elles se transforment en texte, lorsque le texte devient un amalgame de corps superposés ou une inscription sur le nôtre. Tous enfermés dans le monochrome blanc d'une prétendue neutralité qui, au fond, nous invite à la remplir, à donner un sens à notre quête de connaissance des autres.
D’après un texte d'Eduardo García Nieto Conservateur indépendant et enseignant.